Planète Thiéfaine

[scotch]

Franchement les mecs, je prend plaisir à lire vos discutes !!

J'avais déjà entendu parler de profs intéressants et impliqués dans leur relation à la matière enseignée, mais jusqu'à présent je pensais que c'était seulement un mythe, une légende qui circule insidieusement dans les couloirs des écoles !!

J'ai l'air de déconner, mais sincèrement, j'admire votre réflexion !!

Quand aux textes de HFT, nous sommes bien d'accord que, comme toute production poétique, chacun est libre de se l'approprier.
Reconnaissons quand même que les écrits de Hubert se prêtent particulièrement bien à ce genre d'exercice (déjà essayé de trouvé sa propre interprétation du "Belle" de Notre Dame de Paris ? ) !!

Cela dit, les mots ont leur propre musicalité et il est parfois bon de se laisser juste emporter par une chanson, sans en chercher spécialement le sens.

La première fois que j'ai entendu Thiéfaine, c'était "Les dingues et les paumés" et j'ai été tellement scotché par cette musique, cette lente progression sinueuse à la fois glauque mélancolique et irradiante que je vous avouerais n'avoir prêté que très peu attention aux paroles!!

[Orreste Dallibock]

Tout texte peut en fait échapper totalement à toute forme d'analyse, ce qui n'empêche en rien la pertinence de : structuralisme, décodage idéologique, syntaxique, sémantique... etc. Ils est une autre forme d'analyse qui n'en est qu'à ses balbutiements et qui risque de le rester un bon moment encore. Je m'explique : le texte réduit à sa plus simple expression est la lettre (cfr Lunar Caustic plus haut). Or la lecture intériorisée d'une série de lettres provoque dans le cerveau d'un lecteur la production de certaines ondes électro-magnétiques différentes de celles produites par la lecture à voix haute de la même série de lettres par le même lecteur ; lors de l'audition du même lecteur de la même série de lettres énoncées par une tierce personne, les ondes cérébrales de l'auditeur sont à nouveau différentes par leur fréquence. Cela peut aisément être vérifié et reproduit à l'envi avec des séries de lettres aléatoires générées par ordinateur ; l'analyse se complique dès lors que l'on a affaire à un texte structuré, écrit par une entité pensante, ayant une sensibilité et des références culturelles difficilement quantifiables et cela se complique encore plus lorsque l'on y ajoute les données contextuelles du lecteur ou du "lectant" (ou du lecteur-auditeur). Vu sous cet angle, l'intérêt du vécu personnel du lecteur prend tout son sens. Je regrette, LUNAR, tu as beau t'en branler, lorsque toi et moi écrivons quoi que ce soit, une partie de nos écrits nous échappent, évidemment, mais ils obéissent sans doute aussi à des lois extrêmement complexes qui seront un jour à la portée de n'importe quel générateur d'intelligence artificielle. Je regrette mais j'espère ne plus être là le jour ou nous auront tous définitivement abdiqué la sensibilité intime dans l'analyse du texte, car ce jour-là nous pourrons nous passer d'écrivains et même de toute forme de communication verbale. La recherche scientifique progresse à pas de géants alors que les académies de la galaxie toute entière sont aussi hardies qu'un chat devant un gué...

L'impact psychologique et neuro-physiologique d'un texte est un continent inconnu mais deviendra irrémédiablement le nouvel eldorado de générations entières de lecteurs, d'écrivains, d'éditeurs et d'enseignants... et peut-être aussi, je l'espère, des académiciens et des fonctionnaires. En d'autres mots, l'hypnose, les messages subliminaux et l'encre sympathique sont d'ores et déjà des gadgets éculés ; on parlera bientôt de la capacité du nombre et de la répétition de la lettre "x" dans un texte à déclencher une production ou une re-capture de dopamine, d'adrénaline ou de sérotonine par les récepteurs chimiques de nos cellules cérébrales.

[Orreste Dallibock]

Qu'on le veuille ou non, toutes nos méthodologies officielles, les plus modernes et les plus pointues sont malheureusement des silex taillés en biface et cela a pour résultat, en bout de cycle, un engorgement et une saturation des maisons d'éditions, des rayons des librairies, une stagnation voire une régression qualitative de toute la production actuelle ainsi qu'une forme pervertie d'élitisme et de népotisme parmi les cénacles.
Voilà, j'en ai fini

[Mélusine]

Merci pour ta réponse Flo et merci à tous pour cette discussion bien intéressante

[LunarCaustic]

Mouais...

Doit y avoir malentendu Orreste, je ne vois pas pourquoi tu te désoles...

Je n'ai JAMAIS nié l'importance du "ressenti", etc...

Simplement dans l'analyse telle que je la pratique (parce qu'elle m'intéresse sous cette forme...) il n'est d'une utilité qu'intuitive...

Et je trouve que ce genre d'affect est du domaine privé, baser une analyse là dessus, c'est assez ignoble je trouve...
Mais bon, c'est de plus en plus à la mode en ce moment...

Quant au silex, etc...

Et alors, on est pas en 2023 encore, non...
Moi j'essaye de vivre avec mon temps, en accord avec mes convictions qui découlent justement des mes intuitions...

Bref...

Bye

[LunarCaustic]

Et si tu veux voir un exemple d'explication de texte comme j'aime à la pratiquer, tu en trouveras une très succinte de Soleil Cherche Futur quelque part sur ce forum (dans Discographie, sous le titre : Petite Explication personnelle de la chanson Soleil Cherche Futur... je crois...)

Bye

[Flo]

Alors Orreste, Rimbaud est un visionnaire avec son sonnet des voyelles ....

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

[DROÏDE]

Ouh là là! on peut dire que vous avez été très productifs en post sur ce topic aujourd' hui, voilà qui a retardé mon rendez-vous avec Morphée.
Trop crevé pour donner mon avis sur tous vos commentaires, je privilégierai celui de Flo & son choix que je trouve très judicieux d' avoir proposé à ses élèves "Alligators 427" à l' honneur parmi tout le répertoire de Thiefaine.
Je serai probablement de conception simpliste dans mes propos, mais je trouve qu' "Alligators 427" est bien + qu' une chanson contre le nucléaire.
Je la vois comme porteuse d' une pléiades de messages divers, je pense notament à une sorte d' avertissement aux générations futures contre tout débordement qui pourrait nuire au genre humain générés par les pouvoirs visibles & invisibles sur notre société.
Hubert n' a probablement pas pensé à tous ces détails quand il a écrit cette chanson, je reprendrai d' ailleurs la phrase de Lunar qui a déclaré à juste titre que: une fois une oeuvre présentée au public n' appartient plus à l' auteur.
Et je pense que les élèves de Flo ont certainement pour la plupart pu se fabriquer de nombreuses conceptions autour d' "Alligators 427" autres que le problème du nucléaire, comme le soucis de la préservation de notre environnement naturel, ou que sais-je moi, le refus d' une dictature cachée derrière le masque de la démocratie au profit d' une politique + transparente pour tous.
Bon, ce sont des exemples qui me passent par la tête en ce moment, y en a d' autres bien sûr.
Enfin, voilà, moi j' approuve ton choix, Flo, je t' en félicite!
A+.

[Orreste Dallibock]

OK, je me laisse emporter, c'est la passion qui me dévore; tout ce que je dis est de l'ordre du possible mais on en est encore loin, dieu merci. Simplement, chaque matin, je me lève en pensant à celui ou celle que je vais, au cours de ma journée de travail, ramasser à la petite cuillère et qui va me demander si j'ai pas un xanax, voire même autre chose, parce qu'il ou elle n'en peut plus, parce que tout va mal et qu'en plus l'échéance du prochain test de grammaire et d'analyse de texte lui fout les boules, parce qu'il ou elle est un peu cancre et que son prof s'en fout. Dans ces cas-là, je ferme la porte de mon bureau, je m'assure de ne pas être dérangé, je coupe mon tuner branché sur une célèbre radio classic-rock, sélectionne la fonction cd-player, choisis un morceau de Thiéfaine, (pas n'importe lequel) et je le fais écouter à mon (ou ma) déprimé(e) de service. Je m'en sers ensuite de tremplin pour entamer un travail en profondeur et je parviens dans la plupart des cas à rétablir des équilibres qui sont parfois déjà rompus depuis longtemps et que tout le monde croyait définitivement irrécupérables. La première fois ou j'ai découvert ce pouvoir du texte, c'était au cours de ma première année de carrière dans l'enseignement, dans un pensionnat pour garçons rétifs que des parents dépassés confient en dernier recours à ce genre d'établissement de "redressement". J'avais devant moi le prototype du jeune rebelle, pourvoyeur et consommateur de buvards au lsd, de fioles d'extasy liquide et de différentes formes de cannabinacés. Il était voleur, menteur, agressif, violent, manipulateur et rebelle à toute forme d'apprentissage mais pas totalement idiot... et j'avais découvert sa planche grinçante, alors je me suis mis à appuyer dessus de toutes mes forces : j'avais capté son attention par le biais d'Alligators 427. J'ai compris instinctivement que je parvenais à l'intriguer et que je pouvais me servir de cette situation pour lui "refaire son éducation". Son prof de rhétorique à failli tout faire capoter en démystifiant le texte (et donc mon travail) par un simple cours magistral basé sur une analyse grammaticale classique de ce morceau. J'ai pu récupérer le coup mais ça m'a demandé des efforts dont je me serais bien passé. Il m'a fallu du temps pour "reprogrammer" ce gaillard, du temps et beaucoup de textes. Thiéfaine fut l'étincelle (à cette époque, sa discographie s'arrêtait aux chroniques bluesymentales) mais j'ai vite du apprendre à me diversifier et à m'enrichir au niveau cognitif. Nous voici une quinzaine d'années plus tard et mon cancre est devenu un de mes meilleurs amis, il est aujourd'hui un excellent comédien et un prof d'art dramatique très respecté à Bruxelles, père d'un magnifique petit gamin.

Depuis ce soir où je lui ai fait intérioriser Thiéfaine, (et autres...), je me suis promis de recommencer avec tous ceux que le destin mettrait en travers de ma route ... et ma route est loin de se terminer. C'est devenu, comme qui dirait, exponentiel

En toute humilité, je dois bien avouer que tout cela reste, à mon plus grand désespoir, très empirique. Je continue pourtant à me documenter sur la question; Claude Hagège, éminent linguiste au Collège de France, travaille beaucoup sur l'universalité grammaticale et l'unité de l'espèce humaine sur le plan psychologique mais il n'existe pas encore de super-calculateur assez puissant pour confirmer ses hypothèses surtout si on les place dans un plan multidisciplinaire. Sachez simplement qu'il faut moins de trois heures pour que deux "haïbos"* créent spontanément une langue totalement neuve et totalement orthodoxe sur le plan grammatical, sémantique, etc... http://claude.hagege.free.fr/html/enseignement/resumes_cours.html

Always On The Road... Wait and see...

Mille excuses à ceux ou celles que j'aurais maladroitement heurté(e)s par des propos confus ; je suis malheureusement conscient de mes limites et je n'échappe pas à la règle de mon époque : je travaille aussi avec du silex

*"haïbo" : robot japonais commercialisé par le firme sony sous la forme d'un petit chien blanc et bleu.

Amitiés à toute la planète

PS : un dernier scoop Une majorité de chercheurs estime qu'en 2030, 70% de idiomes parlés sur terre auront totalement disparu et que les 30% restants sont plus que susceptibles d'évoluer et de s'enrichir d'une ou plusieurs nouvelles dimensions encore inconnues et inédites à l'heure actuelle. Le top 5 probable étant l'Anglais, le Mandarin, les langues Arabes, l'Hindi-Ourdou et une nouvelle forme de langue française "créolisée", c-à-d complexifiée par des apports étrangers...

[DROÏDE]

Passionant ce récit, Orreste! c' est extraordinaire, l' impact que peut provoquer une chanson de notre ami Hubert sur une tierce personne.
Ton témoignage m' a presque mis les larmes aux yeux.
Orreste, j' aimerais avoir l' honneur de te rencontrer & prendre le verre de l' amitié avec toi, t' es qlq' un pour lequel je ressens une certaine admiration rien qu' en te lisant.

Salut & merci pour ton dernier post!

[Orreste Dallibock]

Ah, oui, j'oubliais :

LUNAR, je ne cherche pas à invalider ta manière d'appréhender le sujet : elle est absolument valide et je serais contradictoire si j'en niais l'évidence. Je reste cependant très ferme pour affirmer qu'il n'y a rien d'ignoble dans le fait de détricoter le maillage maquisard d'un esprit en chute libre en usant de stratagèmes peu académiques lorsqu'il s'agit d'éviter à cet esprit de s'auto-mutiler et de s'amputer d'une dimension ananlytique qui pourrait lui être bénéfique. Si tu le souhaites, je peux te raconter l'histoire d'une fille que j'ai un jour branchée à ma façon sur "Soleil Cherche Futur" et tu constateras l'étonnante complémentarité de nos points de vue...

FLO, merci pour le clin d'oeil à Arthaud Rimbur que je vénère parmi tant d'autres. J'ai déja bien souvent cherché son fantôme lors de ballades bruxelloises, sur le chemin qui mène de la Rue des Brasseurs à la Galerie de la Reine. Un matin, la brume m'a fait croire à son apparition alors qu'il fuyait désespérément une sauterie qu'Hugo avait gachée dans un immeuble de la Place des Martyres ; il remontait tristement le Mont des Arts pour aller rejoindre Baudelaire dans la rue de la Putterie. Je puis même t'assurer que j'ai embobiné à plusieurs reprises des groupes de touristes américains en mal d'exotisme en leur racontant pareilles élucubrations. J'avais 14 ans, je séchais l'école et c'est le seul moyen que j'avais trouvé pour financer mes errements sans donner l'impression de faire la manche. Véridique Après tout, y'a pas d'sot métier; les bonimenteurs ne datent pas d'hier Et aussi, bravo pour ton idée de placer Thiéfaine au bac

Salut, DROÏDE, DOC et plein d'autres...

Amitiés à vous tous et toutes...

[Orreste Dallibock]

No problemo, DROÏDE, y'a longtemps que je ne suis plus passé à Liège; la dernière fois, c'était il y a plus ou moins quatre ans lors du passage de Robert Plant à Nandrin ; avant le concert, je m'étais mis en condition chez un comparse qui m'a initié à une tarte au riz dont il m'a dit que c'était une spécialité locale ensuite, on a écumé le Carré...

Ca me dirait bien, un de ces quatre, de venir trinquer un coup par chez toi; tu dois sans doute connaître quelques bonnes adresses dans la Cîté Ardente, non? Je te le promets, je vais y penser. Pour l'instant, mon agenda est full mais je vois venir une éclaircie vers le congé de Toussaint... On en reparle bientôt, OK?

Ciao, @+

[LunarCaustic]

Salut Orreste...

[DROÏDE]

Avec plaisir, Orreste, tu m' avertis à l' avance en privé & je verrai comment organiser notre éventuelle rencontre.

Bye!