Planète Thiéfaine

[Bucéphal]

Et oui Droïde, au plaisir aussi. Merci pour tes impressions, je continue l'aventure musicale de Demilly mais avec un peu de ralenti en ce moment, après un opus en 2008 (Demilly et bandits en col blanc), je préparais une seconde sortie mais ça prend du temps..
Pour revenir à nos moutons, je ne pense pas que cette affaire du suicide soit anecdotique pour nous - elle ne l'est pas à l'évidence pour Thiéfaine lui même, qui revendique sans remord maintenant son droit au bonheur - mais qu'au contraire elle ouvre sur une autre lecture du parcours de l'artiste, passé et à venir. Je faisais simplement le constat que l'homme avait pris le pas sur l'artiste - ou poète maudit et que curieusement, ce passage se fait à un moment où on le considère le plus comme un artiste (la reconnaissance des pairs musiciens, des médias etc). Heureusement pour nous qui l'aimons bien en amont, ce virage annonce une nouvelle complexité du personnage et donc une nouvelle source d'inspiration dans sa créativité. Mais nous laissons au passage tout ce que le mythe tenait comme promesse : le poète-maudit. Pour ce qui est de l'évoquer, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un faux pas déplacé, car Thiéfaine en parle lui même sans détour (cours reportage France 3). C'est même une clé d'interprétation de suppléments. Je préfère mille fois que la délivrance lui soit à porter de main maintenant, ça nous évite le pathétique et ça lui ouvre le ciel bleu (c'est dingue ce vocabulaire paysagiste qui pousse sur suppléments, ce n'est pas un album urbain). Tout le monde a le droit au bonheur alors, si même Thiéfaine s'y met ! A pluché

[bardamu]

Le droit au bonheur, c'est une jolie illusion. Le mythe du poète pwet maudit aussi. Enfin, c'est lié... Ce que j'ai toujours entendu, dans les textes de Thiéfaine, c'est pas la came, qui n'est qu'accessoire, une conséquence, c'est le merveilleux désespoir d'être un homme.
Et de ne rien pouvoir y faire.

Pour moi, "Suppléments de mensonge" (tiens d'ailleurs, c'est parlant, ce singulier pluriel... plein de trucs qui se rajoutent au mensonge originel) le réconcilie, ou plutôt l'innocente de ce pauvre et magique statut d'homme.
Il accepte que les questions n'aient pas forcément de réponse. Ce n'est pas baisser les bras, bien au contraire, c'est parvenir à trouver et de la force, et de l'humilité. C'est la solution face au suicide, qui serait la seule solution...



"Je suis le dernier à rater mon suicide", c'est de la pwésie, celle qui aide à passer plus d'une nuit blanche.
Après, hésiter au petit gris "entre un whisky sour, un speedball et un révolver", puis en faire une chanson, à 62 ans, c'est transmettre qu'on a bien saisi qu'on "a la chance terrible d'être la", comme dit Ph.Djian. C'est dire clairement qu'on a pas choisi le flingue en tout cas, et qu'on s'en tape d'être un poète maudit. Qu'entre la sensibilité de celui qui écrit, l'artiste, et celui qui vit les choses, l'homme, le pas est franchi, qu'on ne fait, enfin, plus qu'un, réconcilié(s).

Et que ça a toujours été le cas, malgré l'élégance du loser, surtout les matins où ça winne...

[Albex94]

sinon y'a la vidéo de samedi ici : http://on-n-est-pas-couche.france2.fr/

jusqu'à dimanche, dépéchez vous !

[Bucéphal]

Il y a un vertige de l'existence chez tout être qui s'est retrouvé en position d'avoir survécu. Être le dernier à rater son suicide, c'est laisser entendre que tous n'ont pas survécu ou d'un point de vue plus vraisemblable, que certains ne s'en sont pas sortis dans la vie. Lesquels et de quoi ? Je pensais à une génération incandescente d'artistes pris de vitesse par les excès (Les allusions à la came ne manque pas en effet : «chauffer ma cuillère », « j'ai froid », « pilote aux yeux de Gélatine », « pénètre en moi », « orgasmes en sachet », « comme un vieux junkie » etc) ou la fatalité. A l'évidence, le suicide était donc une sorte d'hyperbole pour mettre un nom sur l'ironie de la poursuite de l'existence alors qu'on fait tout pour la saborder mécaniquement. Le geste de l'été 2008 ne s'inscrit plus dans ce registre de la farce ni dans une quelconque rhétorique d'artiste. La réalité a rejoint la fiction pour ainsi dire mais elle indique avec d'autant plus de force ce que cette fiction avait de néfaste sur la conduite de la vie au quotidien. Comme si vivre dangereusement pouvait être sans conséquences à partir du moment où on en rejetterait toute l'intensité dans l'univers immortel de la musique. C'était un jeu pervers (ou « de l'extrême » pour reprendre une expression de l'auteur). J'ai déjà dit tout le respect que m'inspirait cette posture. Thiéfaine devient un artiste populaire qui va plaire avec ses mélodies modernes et son écriture « littéraire », hélas plus trop, je le crains, pour ce qu'il y avait de désespéré et d'ivresse (même débile) dans ses chansons, la création prenant ainsi une autonomie libératrice par rapport à la vie. Tant mieux, on n'a pas de raison de prendre sérieusement la musique quand même ! Et l'homme a besoin de paix, je suis heureux qu'il en soit ainsi pour Hubert.

[DROÏDE]

J' passe en coup de vent pour vous annoncer la nouvelle:

"Suppléments de mensonge" est déjà certifié Disque d' or après 2 semaines, hé hé!

http://www.thiefaine.com/disque-dor-supplements-de-mensonge/

[Sam_427]

[TDL]

http://www.sefronia.com/album/hubert_felix_thiefaine/supplements_de_mensonges.htm

[Bucéphal]

Alors il semblerait que mes vieilles lunes aient éclairé ta lanterne, TDL, on va finir par y voir clair !

[TDL]

Tes vieilles lunes ? ma lanterne ?

??

Si tu fais allusion à ta propre "analyse" de l'album, je dois avouer que je l'ai remarquée, & j'ai trouvé qu'elle sonnait "juste"...
... mais je l'ai lu après avoir rédigé cet articles... alors...

à moins que tu veuilles parler d'autre chose...

[Bucéphal]

Pourtant tu fais référence dans ton article à quelques remarques que j'ai pu faire sur la planète (si ça pouvait être de quelqu'un d'autre, chanteur de la drogue, ce n'est pas du Thiéfaine etc). Vieilles lunes : jeu de mots, la lune éclaire peu et c'est aussi pour signifier des vieux poncifs éculés, dont j'abuse. Par exemple : les vieilles lunes socialistes. Lanterne : mettre une faible lumière sur des textes obscurs. Poète pouet quoi ! Je vais prendre une douche pour me réveiller

[TDL]

Oh certes ! d'accord... je pensais à autre chose... & j'avais oublié que ça venait de toi... Je savais que je l'avais lu sur le site... bon sang ! Foutre dieu...

Bien sûr... Bien sûr...

Merci donc, pour ma lanterne...

sincèrement,

D.

[bardamu]

On en est la?

[Lionel39]

Bonjour DROÏDE, je réponds à ta question : "Cette «Ruelle des morts» (titre du single et du premier titre de l'album), c'est autobiographique ?"

La réponse est oui, on allait chercher le lait à la ferme avec les bidons en passant par la ruelle des morts. Ce chemin a existé jusque dans les années 80-90, c'est-à-dire, tant que des gens passaient pour aller à la ferme (avant la retraite des exploitants).

J'y suis allé cette semaine, il n'y a plus rien, enfin, il reste la grange et la ferme qui est devenu une belle maison.

J'ai fait un blog :

http://laruelledesmorts.canalblog.com/

[Le Doc.]